« Le goût du risque est de retour »


Voilà des CV qui valent de l’or. Plus précisément, 104 millions d’euros sur la seule foi de trois pedigrees. Jamais en Europe une entreprise à peine créée, il y a moins d’un mois, n’avait réuni autant d’investisseurs prêts à parier sur eux. Arthur Mensch, Guillaume Lample et Thimotee Lacroix, âgés d’à peine 30 ans, ont réussi en un temps record à faire venir ventre à terre les poches les plus profondes d’Europe pour bénir la naissance de leur entreprise, Mistral AI.

On y rencontre des milliardaires français, comme Xavier Niel (actionnaire à titre individuel du Monde), la famille Saadé, de CMA-CGM, les Decaux, mais aussi des grands noms − italien (Exor), belge, allemands, britanniques, et même l’ancien patron de Google Eric Schmidt. La peinture est encore fraîche, les embauches sont en cours, le modèle économique pas très sûr, mais l’entreprise vaut déjà 240 millions d’euros.

Ce petit miracle s’explique. D’abord leur talent est rare, et donc cher. Ce sont des spécialistes de l’intelligence artificielle. Arthur Mensch a travaillé trois ans chez DeepMind, la filiale de Google en pointe dans ce domaine. Ses deux compagnons viennent de Meta, la maison mère de Facebook, et ont participé à l’élaboration du langage maison de la société. Interrogé par le Financial Times, Antoine Moyroud, le partenaire du fonds de capital-risque américain Lightspeed Venture, qui a dirigé la levée de fonds, assure qu’il n’y a que quatre-vingts à cent personnes dans le monde disposant d’une telle compétence dans ce domaine.

Emballement collectif

Et rien n’est plus chaud aujourd’hui dans le secteur de la technologie que l’intelligence artificielle. La bombe ChatGPT, ce robot accessible à tous sur Internet et qui a réponse à tout, a provoqué un emballement collectif dans le milieu de la technologie, seulement comparable à l’arrivée des premiers navigateurs et de l’Internet grand public à la fin des années 1990. Personne ne veut rater cette vague géante, ni les mastodontes en place, Google, Meta et Microsoft en tête, ni les entreprises en général, qui voient dans leurs secteurs respectifs les gains considérables de productivité possibles et le risque de déclassement si elles ne font rien.

C’est justement ce marché des entreprises que vise Mistral AI, avec le développement de briques de langage utilisables en libre accès. Un marché professionnel plutôt que grand public qui a rassuré les investisseurs, conscients de l’avance prise par les Américains dans ce domaine.

Le caractère européen et ouvert de la démarche a séduit le grand capital, qui cherche des belles histoires et de nouveaux horizons. Et celui-ci en est un, c’est certain, à condition qu’il ne se transforme pas en mirage. Manifestement, le goût du risque est de retour.



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